La presse en parle

Je vais vous raconter

Mon enfance, je l’ai passée dans une maison en lisière de forêt. C’est sans doute pourquoi, à l’époque, je ne me voyais pas d’autres destinées que de devenir bûcheron ou forestier. Des hommes avec qui j’avais déjà passé la majeure partie de mes jeudis et de mes vacances scolaires. Après un bac littéraire, je me suis inscrit en Droit sans trop savoir pourquoi. Le droit ne me passionnait pas et moins encore la rigueur nécessaire pour briller dans ces études. Ce fut donc avec plaisir que je m’en suis échappé pour entreprendre des études à l’Ecole Supérieure de Journalisme puis à l’Institut Pratique de Journalisme à Paris. Une révélation pour moi qui accordais déjà une immense importance aux mots et qui ai découvert qu’ils représentaient une matière modelable à l’infini, sensible et vivante.

Tout naturellement, j’ai donc débuté dans la presse écrite : hebdomadaire d’abord à Versailles où j’habitais à l’époque, puis dans un quotidien à Orléans. Et puis le hasard des rencontres m’a conduit dans la presse hebdomadaire parisienne avec une prédilection pour le domaine scientifique et médical. Moi qui n’avais jamais suivi un cours de sciences naturelles, de chimie ou de physique sans m’ennuyer, je me suis pris d’intérêt pour les sciences de la vie. Et aujourd’hui encore, j’écris pour plusieurs revues scientifiques et médicales.

En même temps, j’ai découvert l’intérêt et le plaisir de l’enseignement. Un terme d’ailleurs inapproprié pour parler du travail qui fut le mien à l’Institut Pratique de Journalisme et jusqu’à récemment à Nantes. Mon rôle est plutôt celui d’un passeur, d’un transmetteur de savoir.
Après une vingtaine d’années passées à Paris, j’ai décidé il y a treize ans de rompre avec la vie parisienne pour venir avec ma famille m’installer en Haute-Savoie, tout en poursuivant mon métier de journaliste indépendant. Retour aux sources ont dit certains. Pas du tout. Ou alors il ne s’agit pas des mêmes sources puisque je suis d’origine bretonne, morbihannaise très précisément. On m’avait prédit des débuts laborieux sur les terres de Savoie : « Les Savoyards sont secrets, renfermés, difficiles d’accès… ». C’est vrai mais pas plus les Bretons. Nous avons en commun de défendre des valeurs et n’entendons pas que l’on vienne nous expliquer comment le faire. C’est sans doute pourquoi je me suis aussi bien entendu avec les Hauts Savoyards, sans avoir à faire d’efforts mais en respectant l’autre pour ce qu’il sait et ce qu’il est ». Ces points communs : l’attachement à la terre, aux silences, aux petites et aux grandes misères de la vie, c’est ce qui nous a rapproché aussi vite, j’en suis aujourd’hui intimement convaincu.

Au fil des rencontres et des discussions, j’ai découvert que beaucoup d’histoires, d’expressions et de gestes d’avant étaient sur le point de disparaître. Au début, j’ai écouté, puis j’ai noté et plus tard j’ai décidé de consacrer un peu de mon temps à faire revivre ce patrimoine menacé. En parcourant les vallées, et les villages, en m’arrêtant dans les fermes et les bistrots, j’ai appris à écouter et à aimer ces histoires.

Pour aller plus loin encore, j’ai créé à Samoëns, le village où je vis, un atelier d’écriture ouvert à tous ceux qui n’osaient écrire par peur du jugement ou des difficultés. Tout cela s’est fait sans ambition démesurée, seulement l’envie d’être bien entre gens qui aiment les mots à la manière de Raymond Queneau avec l’Oulipo… Cet atelier a rencontré un succès immédiat, preuve que tout le monde peut trouver plaisir dans l’écriture.

Ma première expérience littéraire est récente : un livre de nouvelles publié en 2002, « La Vallée des Loups ». Onze nouvelles, sur la vie dans les villages de montagne où les pierres ont des vies antérieures, les mules, des états d’âme, les médecins, des destinées qu’épargne enfin la terrible logique de la science. Onze nouvelles dont l’une a remporté le premier Prix de la Nouvelle de Bonneville en Haute-Savoie.

Ensuite les choses se sont très vite enchaînées. En moins d’un an, j’ai écrit mon premier roman, « Le Silence des Glaces » qui a pour thème l’histoire des premiers guides. Une histoire qui se déroule à deux pas de chez moi, dans le Cirque du Fer à Cheval, là où est mort Jacques Balmat.

Dès sa sortie, ce roman a connu un succès populaire important. Ce premier roman m’a valu d’être Lauréat du Prix Carrefour Savoir du 1er roman. Aujourd’hui édité en format de poche chez Pocket, « Le Silence des Glaces » continue de figurer parmi les meilleures ventes des livres de montagne.

En octobre 2005, est sorti mon deuxième roman « La Grande Avalanche », sur un thème peu abordé à ce jour : la disparition en montagne en temps de guerre. En abordant des questions liées à la valeur de la vie, l’amour filial, l’éloignement des siens en temps de guerre et la trahison, j’ai trouvé chez de nombreux lecteurs une résonance que je ne soupçonnais pas.

La publication de « La Grande Avalanche » en format club dans la Sélection du livre du Reader Digest et l’édition en poche chez Pocket sont aussi pour moi deux étapes supplémentaires dans la découverte d’un public qui ne me connaît pas. Les salons auxquels je participe et les nombreuses dédicaces en librairies me permettent de rencontrer certains d’entre vous mais cela reste insuffisant, j’en conviens. C’est pourquoi, une plus large audience par l’entremise de ces « formats » plus populaires me réjouit beaucoup.

Puis vient ensuite, « la Malpeur », qui retrace une épidémie de peste bovine dans les Alpes du nord avec en toile de fond l’immense amour d’une femme pour son fils autiste. Et en octobre dernier est sorti « La lumière des cimes ». Une histoire poignante qui raconte le drame d’un père ayant perdu son fils en montagne et dont le corps n’a jamais été retrouvé.

En quelques années, tous ces romans ont trouvé un immense public épris de nature, de montagne, de vie simple mais aussi à la recherche de sentiments vrais, de solidarité entre les hommes, d’estime et d’amour pour les autres. Une libraire écrira : « Patrick Breuzé a un talent de conteur indéniable mais il sait avant tout, par sa sensibilité et son style incomparable, faire parler les silences ».

Mon dernier roman « Mon fils va venir me chercher » a recueilli un succès important auprès d’un public de plus en plus nombreux à aimer les choses simples de la vie tout en appréciant le travail très précis effectué sur la psychologie des personnages. Ce roman s’est vu décerné le Prix des Pays du Mont Blanc en 2016 et le Prix Solidarité en 2017.